ISSN 2271-1813

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Dictionnaire de la presse française pendant la Révolution 1789-1799

C O M M A N D E R

   

Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 622

JOURNAL ANGLAIS (1775-1778)

1Titres Journal Anglais contenant les découvertes dans les sciences, les arts libéraux et méchaniques, les nouvelles philosophiques, littéraires des trois royaumes et des colonies qui en dépendent.

2Dates 15 octobre 1775 - 15 janvier 1778. 7 volumes, 56 numéros en tout. Privilège: 10 août 1775 (B.N., f. fr. 22002, nº 374). Bimensuel; une année complète comporte 24 numéros en trois volumes.

3Description 8 numéros par volume de 512 p. Chaque numéro a 64 p. et comporte 10 ou 11 articles. Format in-8º, 110 x 185. Quelques planches et croquis.

4Publication A Paris, chez Ruault, libraire rue de la Harpe près de la rue Serpente. Puis, à partir du t. III, chez Lacombe, libraire, au bureau des journaux rue Christine. Maison de M. de France, vis-à-vis l'Hôtel de Nivernois.

Abonnements: 24 # par an. «On souscrit chez le même libraire pour les ouvrages périodiques suivants: Journal du théâtre ou Répertoire de spectacles, Journal de Physique (abbé Rozier), Gazette de santé (Gardanne), Recueil des Edits, Déclarations, Ordonnances».

5Collaborateurs Le privilège est au nom de M. l'abbé de Vayle de Glanure. T. VII, p. 382, on lit cet avertissement: «Le privilège de ce Journal vient de passer en d'autres mains; à commencer du mois de janvier il sera rédigé par une Société de gens de Lettres qui ont fait une étude particulière de la langue et de la littérature anglaises et dont quelques uns ont travaillé au Journal Etranger». Mais il n'y eut plus que deux numéros en janvier 1778 avant l'arrêt du périodique.

6Contenu Le sous-titre contient le projet: faire connaître l'Angleterre et ses colonies, «plaire, instruire, intéresser», c'est la formule qu'on lit dans les Avis au public.

Les rubriques les plus fournies, les plus régulières et les plus frappantes sont: d'une part celle qui concerne l'Amérique (événements, textes: Déclaration d'indépendance, chartes des Etats, extraits de Price, lettres de Franklin, lettres d'un quaker de Philadelphie, lettres de Burgoyne, de Howe); d'autre part les biographies d'auteurs anglais, qui paraissent dans presque chaque numéro: Chaucer, Ben Johnson, Shakespeare, Cowley, Dryden, Addison, Milton, Sterne, Swift, Pope, Fielding, Hume, etc., formant une sorte de cours de littérature.

7Exemplaires B.N., 8º Nd 64.

8Bibliographie H.P.L.P., t. III, p. 115.

Historique Ce qui frappe d'abord dans ce journal, qui se présente sans s'expliquer sur le ou les auteurs de la rédaction, c'est sa constante prudence à préserver son incognito. Son histoire qui porte pourtant sur une période de plus de deux ans, puisqu'il parut régulièrement deux fois par mois pendant toute l'année 1776 et de même en 1777, doit donc s'induire des quelques Avis aux lecteurs ou Avertissements aux souscripteurs qui jalonnent sa période et des quelques noms propres qui s'y découvrent.

Le privilège est pris au nom de l'abbé L. de Vayle de Glanure (nom ou pseudonyme?), qu'on ne trouvera nulle part dans le journal lui-même et qui semble inconnu des biographes. Le libraire de la rue de la Harpe, Ruault, dont le nom n'apparaît pas sur les numéros, mais seulement sur la page de garde des tomes, ne se manifeste, très discrètement, que dans «l'Avis aux souscripteurs du journal» qui paraît le 30 juillet 1776, t. III, p. 257. Après un long développement sur la littérature anglaise qui mérite d'être mieux connue en France, il explique à quelles rubriques «les rédacteurs du journal» vont consacrer leurs articles: les poètes, le théâtre, le roman, la jurisprudence, les découvertes des arts et des sciences. Ils souhaitent publier aussi des observations envoyées par les Anglais sur notre littérature et par des Français sur la leur. «Une correspondance mieux établie qu'à la naissance du journal secondera les auteurs [...]. Le sieur Ruault, encouragé par l'accueil que le public a fait d'abord à son entreprise, a pris des engagements avec des personnes qui par des ouvrages connus ont mérité la confiance du public: MM. Le Tourneur, La Guerrie et Peyron commenceront au mois d'octobre prochain à donner leurs soins à ce travail». En effet, Le Tourneur et Peyron sont des anglicistes et anglophiles connus par des traductions d'auteurs anglais et un tel concours semblait prometteur. Le journal fait savoir aussi qu'il «est actuellement chez Lacombe, rue Christine, au Bureau des Journaux où l'on pourra souscrire à partir du mois prochain».

Toutes ces annonces semblent marquer d'importants changements dans l'organisation du journal. Mais un autre Avis (t. III, nº 24, 30 sept. 1776, p. 512) dément la nouvelle: «MM. Le Tourneur, La Guerrie et Peyron qui devaient commencer au mois d'octobre prochain à concourir à la rédaction, annoncent qu'ils ont laissé ce travail à d'autres plumes». Qui sont-elles? Nous ne le saurons pas, pas plus que nous n'avons su à quels rédacteurs, fort au courant de la littérature anglaise, étaient dues les nombreuses biographies d'écrivains et les analyses d'ouvrages que le journal a publiées dans ses trois premiers tomes, et qu'appréciait, en particulier, Meunier de Querlon cité par Hatin, dans ce journal «plus curieux et plus neuf que tous nos journaux français (qui ne font que se répéter), qui donne les vies des poètes anglais où il y a toujours quelques singularités, puis les découvertes d'une nation très instruite et à qui nous en devons déjà tant...».

Ce qui paraît probable, c'est que ce journal a tenté de prendre la place laissée libre par la disparition de la Gazette littéraire de l'Europe, d'Arnaud et Suard. Les Mémoires secrets déclarent, le 19 octobre 1774: «Il est question de régénérer le Journal étranger que l'abbé Arnaud, après l'avoir transformé en Gazette de littérature, avait absolument anéanti. Le sieur Mathon de La Cour en a le privilège et Mademoiselle Matné de Morville, fameuse par la connaissance de différentes langues, l'entreprise. Il reprendra au mois de janvier». Peut-être s'agit-il du Journal anglais — faute d'un autre nom que l'on puisse citer — mais les preuves positives manquent.

Le journal continue pourtant et, fait curieux, la nouvelle rédaction donne dès le lendemain du numéro du 30 septembre, un numéro du 1 octobre sans explication pour ce numéro intercalaire. Il garde la même présentation et publie toujours des présentations d'écrivains et d'œuvres littéraires. Mais entre la littérature et la politique, c'est comme s'il avait fait un choix: il donne de plus en plus de textes qui concernent les affaires américaines, que d'ailleurs l'actualité impose à l'attention du public.

Beaucoup de ces extraits doivent être tirés de la presse anglaise mais d'autres semblent avoir une origine américaine directe. Par exemple au t. V, on trouve des extraits d'un «petit ouvrage imprimé en Amérique», qui s'intitule: Essai sur les affaires d'Amérique, ainsi que des lettres données comme inédites, de l'amiral Howe et du Dr Franklin, qui, dit le commentateur: «tiennent à la révolution qui se prépare». Place est faite aussi aux textes fondateurs, à la Déclaration d'indépendance et aux chartes des Etats.

Le ton favorable aux Américains donne à penser que la «Société de gens de Lettres» qui s'attribue, de temps à autres, la rédaction, pourrait bien être proche des milieux gagnés à la cause des «insurgents», les amis de Turgot, de Condorcet, de La Rochefoucaud d'Enville, des Suard, tous gens qui lisent l'anglais, les gazettes étrangères et reçoivent, dans leurs salons, les «commissaires américains», Franklin, Adams et Deane. Ils collaborent, il est vrai, aussi au journal tout à fait contemporain qui s'appelle Affaires de l'Angleterre et de l'Amérique, mais celui-ci est contrôlé secrètement par Vergennes, tandis que le Journal anglais s'est lancé avec une intention, semble-t-il, moins politique que littéraire. La voie politique étant donc fort gardée et aussi fort risquée, à la fin de 1777, nous trouvons un nouvel Avertissement de la rédaction au numéro du 15 décembre (t. VII, p. 382): «Le privilège de ce journal vient de passer en d'autres mains: à commencer du mois de janvier, il sera rédigé par une Société de gens de Lettres qui ont fait une étude particulière de la langue et de la littérature anglaises, et dont quelques uns ont travaillé au Journal Etranger qui manque encore à notre littérature. On se propose de faire des changements essentiels au plan qu'on a suivi jusqu'à ce moment. On s'attachera davantage à faire connaître l'état actuel des Lettres et des Arts en Angleterre. Un journal est par sa nature destiné à rendre compte des ouvrages nouveaux plutôt que de ceux dont le mérite est déjà apprécié... Les nouveaux auteurs de ce journal ont établi des correspondances et pris des mesures efficaces pour exécuter le plan qu'ils annoncent... Ils se proposent de faire paraître incessamment un prospectus dans lequel ils exposeront plus en détail le point de vue sous lequel ils envisagent la rédaction du Journal anglais et le plan qu'ils se proposent de suivre dans leur travail».

Ce même Avertissement paraît encore dans les deux numéros suivants (1er janv. 1778, t. VII, p. 446, 15 janv., p. 510), suivi de la mention suivante: «Il paraît par mois deux cahiers de 4 feuilles, grand in-8º, chacun le 15 et le 30. Le prix de la souscription est de 24 livres, rendu franc de port dans tout le royaume. On souscrit à Paris, au bureau du Journal Anglais, rue Montorgueil, près celle de Mauconseil et chez M. Dériaux, Maison de M. de France, vis-à-vis l'Hôtel du Nivernais, rue de Tournon, où l'on souscrit aussi pour le Journal des Dames par M. Dorat». Et l'on n'entendra plus parler du Journal anglais, dont l'existence nous demeure énigmatique.

Madeleine FABRE

 


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