ISSN 2271-1813

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Dictionnaire de la presse française pendant la Révolution 1789-1799

C O M M A N D E R

   

Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 942

MERCURE HISTORIQUE ET POLITIQUE DES PAYS-BAS (1759-1761)

1Titres Mercure historique et politique des Pays-Bas. En 1761 il porte comme sous-titre cette phrase extraite du prospectus: Où se trouve dans un nouvel ordre, & sur une méthode tout-à-fait nouvelle, ce qui s'est passé de plus considérable en Europe, dans les differens Départemens du Gouvernement & de la Société, pendant le cours de ce Mois.

On se gardera de confondre le présent périodique avec le Mercure historique et politique publié à La Haye (1686-1782), celui de Stockholm (1738-1739), de Lausanne (1767) et le Mercure historique et politique de Bruxelles (1779-1792).

2Dates Septembre 1759 - septembre 1761, dates apparaissant sur les livraisons. On ne connait pas de prospectus antérieur au nº 1. La périodicité annoncée est mensuelle mais en réalité dès le début se manifestèrent des retards qui se répéteront plus d'une fois. La dernière livraison connue porte le nº 25.

3Description Le périodique n'affiche pas de tomaison. Le nombre de pages qui se veut être de 80 par numéro oscille entre 66 (nº 8, avril 1760) et 96 (nº 9, mai 1760) sous Maubert de Gouvest. Plus tard il restera fixe à 80 p. (année 1761). Le format constant est in-8º.

La page de titre est ornée en 1759-1760 d'une estampe datée de 1758, spécialement dessinée par J. Keller et gravée par J. Körnheim. Un enfant, assis sur un nuage, tient un livre ouvert sur ses genoux, avec l'inscription «Mercure des Pays-Bas». Derrière lui l'ange de la Renommée embouche ses deux trompettes. Une seconde estampe, due aux mêmes artistes figure en tête du nº 1 (p. 7). Le Temps, assis, est entouré de cinq enfants; le livre ouvert, avec un titre identique, apparaît en bonne place. Les livraisons de 1761 voient leur page de titre ornée d'un bois anonyme et assez fruste représentant un oiseau picorant et un reptile à la queue en flèche, le tout dans un encadrement orné. Des lettrines et des culs-de-lampe agrémentent çà et là les textes. Le périodique ne contient ni portraits, ni plans, ni dessins quelconques, ni partitions musicales.

4Publication Le Mercure historique et politique des Pays-Bas autrichiens ne porte aucune marque d'imprimeur ou de libraire, se contentant d'un modeste mais réel «A Bruxelles». L'Avertissement du nº 17 précise que le périodique est imprimé place de la Chapelle mais ne cite pas de nom d'imprimeur. On trouve dans plusieurs livraisons des listes de diffuseurs dans les Pays-Bas autrichiens, dans les Provinces-Unies, en France, en Allemagne (Cologne, Francfort), en Grande-Bretagne (Londres) et au Danemark (Copenhague). La plupart des diffuseurs sont des officiers des Postes locales (de L'Orme à Lille, Compte à Bourg-en-Bresse) et parfois des libraires (Gretton à Londres, Duchesne et Lambert à Paris, Schuring à Amsterdam, Constapel à La Haye).

La livraison coûte 1 escalin aux Pays-Bas, 7 s. dans les Provinces-Unies, 15 s. en France, 5 gros de l'Empire et 1 sh. en Grande-Bretagne. L'abonnement pour 12 numéros, payable d'avance, coûte 15 # ou francs pour la France.

Nous ne savons rien du nombre d'abonnés et des tirages. Un Avertissement en fin du nº 7 (mars 1760) annonce que le premier tome (nº 1-6), épuisé, sera à nouveau disponible en juin. Cette réimpression avec des caractères neufs dont le besoin se faisait sentir, ne semble pas avoir vu le jour.

5Collaborateurs Le fondateur et premier auteur est Jean Henri MAUBERT DE GOUVEST (Rouen 1721 - Altona 1767), personnage dont nous avons étudié en détail le séjour à Bruxelles (voir la bibliographie). Maubert de Gouvest travaille seul, on ne lui connaît pas de collaborateur régulier. Il fait plusieurs fois allusion à des correspondants français, anglais «et dans le Nord» mais ne les nomme pas. Lorsque Maubert de Gouvest abandonnera la direction et la rédaction de son Mercure, celui-ci sera dirigé par un libraire haguois, Henri Constapel, qui travaillera avec un «Auteur» que nous n'avons pu identifier. Celui-ci ne nommera jamais non plus les noms des personnes qui adressent des lettres et des textes au Mercure, pour autant que tous ces envois soient réels.

6Contenu Le contenu est annoncé par la requête déposée en avril 1759, par le Discours préliminaire et la dédicace au gouverneur général des Pays-Bas, Charles Alexandre de Lorraine, deux textes qui paraissent en tête du premier numéro (p. 3-6). Ces propos se recoupent et se complètent. Maubert de Gouvest se propose «sur une méthode tout-à-fait nouvelle» de donner chaque mois le tableau de «ce qui se sera passé de plus intéressant [...] dans les divers départemens du Gouvernement et de la Société»: armes, politique, justice, arts, commerce et finances. Ce propos, nouveau à Bruxelles, n'est cependant guère original. Son plan s'écarte cependant de celui du Mercure de La Haye (en passant il rend hommage à son directeur Jean Rousset de Missy) et il est assez loin du Mercure de France.

Maubert prétend s'inspirer du plan qu'avait suivi Claude Fleury dans son Histoire; il aurait pu ajouter Rousset de Missy et Voltaire puisqu'il prétend «rapprocher, et [...] présenter dans un seul point de vue, tous les divers départemens du Gouvernement et de la Société, & de donner l'Histoire de nos jours sur une méthode qui joigne la précision et la simplicité du style Historique». Au départ Maubert se propose d'analyser «la crise» des trois dernières années. Le souhait exprimé dans la requête d'avril de publier en néerlandais et en français n'a pas été maintenu et réalisé.

Le successeur de Maubert de Gouvest publie en tête du nº 25 (sept. 1761, p. 3-9) un «Nouveau plan» qui prend ses distances vis-à-vis du premier manifeste. Il ne s'agit pas seulement de rattraper le retard accumulé (cf. à ce sujet dans le nº 17 de janvier 1761 un «Avertissement de l'Editeur», daté de Bruxelles le 31 août suivant, qui propose un plan de rattrapage et annonce que la «forme» sera maintenue) mais surtout de mieux tenir compte des affaires courantes et quotidiennes, autrement dit de serrer davantage l'actualité. Il affirme cependant lui aussi le lien intime qui relie tous les événements (un souvenir de la «grande chaîne»?) mais ceux-ci seront analysés avec tout le recul nécessaire, quasi olympien. L'auteur entend donc élargir la perspective créée par l'alliance du droit et de la politique. Il termine par un long et vibrant éloge de L'Esprit des lois et de son auteur, «génie plein de feu» dont il se réclame ouvertement.

Le contenu réel du Mercure historique sous la direction de Maubert est assez différent du propos annoncé. Au bout de trois numéros il avoue n'avoir traité son sujet qu'en partie et son analyse s'étendra au moins jusqu'au nº 12 d'août 1760. Sous sa plume les rubriques classiques apparaissent à peine: trois textes étrangers s'insèrent dans les livraisons à partir d'avril 1760: une pièce «envoyée», anonyme, sur L'Esprit des lois (nº 8, avril 1760), une lettre-réponse sans date et anonyme à cette analyse (nº 9, mai 1760) et un texte anonyme «La culture des Lettres n'a-t-elle pas nui aux mœurs? La lecture des Journaux ne suffit-elle pas pour rendre un homme sçavant» (nº 12, août 1760).

Le successeur de Maubert sera moins personnel et l'on peut dire que les numéros connus (17, 18, 19, 25) et le plan esquissé dans le nº 17 apportent les fruits d'un journalisme plus traditionnel: lettres, affaires, culture (entre autres sur la Pologne, nº 17), nécrologie (de Belle-Isle, nº 18), religion (assemblée du Corps évangélique, nº 19), commentaires sur les autres journaux (sur le Monitor, nº 25), sociologie (curieux texte «De l'Esprit philosophique en France», nº 25). Les numéros manquants devaient aborder des points semblables (les Jésuites et le commerce marseillais, les convulsionnaires) mais aussi l'agriculture, les finances.

Pendant son séjour bruxellois, Maubert de Gouvest a déployé une intense activité. Nommé directeur de l'Imprimerie royale, il reçoit le privilège de l'ancienne gazette gouvernementale créée en 1649 et la transforme en une dynamique Gazette des Pays-Bas, il crée et lance le Mercure, les Mémoires du temps (connus sous le titre de «Gazetin») et une feuille d'annonces. Cependant il est le prisonnier d'une cage dorée dont il n'aperçoit pas les barreaux au début. Le gouvernement de Bruxelles entend garder la haute-main sur la presse et s'y emploie avec zèle. De nombreux documents et surtout la correspondance avec le ministre Cobenzl montrent que s'il n'y a pas de censeur en titre, la censure vient de très haut: corrections nombreuses et suggérées, cartonnage, invitation d'écrire des articles répondant à la politique de la France voisine. Le successeur de Maubert ne jouira pas d'un sort meilleur: appuis financiers sollicités, contrôle des livraisons par le Conseil privé, menaces, etc., se succèdent de 1759 à 1761. L'initiative laissée aux rédacteurs est minime et il serait inexact de parler de liberté, même réduite.

A la fin des tomes donnés par Maubert de Gouvest (deux volumes) paraissent des tables analytiques assez détaillées qui cesseront de paraître sous son successeur.

7Exemplaires Nous ne connaissons pas de collection complète du Mercure historique et politique des Pays-Bas: les arrêts et retards n'en n'ont pas favorisé la constitution.

B.R. Bruxelles, VH 27009: deux volumes pour la première année 1759-1760 (période Maubert de Gouvest); Mundaneum, Bruxelles, numéros épars de juin et octobre 1760 et de mars 1761 avec un volume début 1761: l'accès à ces volumes n'a pas été accordé; Ars., 8 H 26363: nº 1 relié avec d'autres périodiques; – 8º H 26363 A: un volume comprenant les numéros 17, 18, 19, 25 de 1761.

8Bibliographie DP2, art. «Maubert de Gouvest» par J. Vercruysse.

Selon deux lettres de Maubert de Gouvest au ministre plénipotentiaire à Bruxelles, Cobenzl (5 et 14 nov. 1761), le Mercure historique et politique des Pays-Bas a été réimprimé à Francfort par Eslinger grâce à un accord conclu entre Maubert et un certain Berberiche qui, dit-il, l'a escroqué largement. Ses plaintes demeurèrent sans effet. Il est fait mention du Mercure dans les autres journaux bruxellois (Gazette, Mémoires du temps ou gazetin, feuille d'annonces) parce qu'ils ressortent de la même direction du moins sous Maubert de Gouvest. Le gazetin sera confié à Chevrier mais disparaît en 1761 dans sa deuxième année: Constapel qui reprend le tout continue la pratique des références (souvent publicitaires) à l'intérieur du groupe.

Archives: outre les archives viennoises citées dans notre étude, il faut mentionner: Bruxelles, Archives générales du Royaume, Conseil privé, liasse 1065A; registres 88, 91; Secrétairie d'Etat et Guerre, 1098, 1175 pour la correspondance Maubert-Cobenzl.

Imprimés: les mentions dans les anciens répertoires de Warzée (Essai historique et critique sur les journaux belges, Gand, Hebbelynck, 1845), Hatin (B.H.C.), voire plus récents ceux de Bertelson (La Presse d'information. Tableau chronologique des journaux belges, Bruxelles, 1956) et de Lemaire, sont sujettes à caution. On ne les mentionne que pour mémoire. – Saint-Flour, L'Espion ou l'histoire du faux baron de Maubert, Liège, 1759. – Chevrier F.A., Le Colporteur, Londres, 1762. – Piot C., «Jean-Henri Maubert de Gouvest à Bruxelles», Bulletin de l'Académie royale de Belgique, t. XLVIII, 1879, p. 693-720. – Belmas E., éd., Lettres iroquoises, Paris et Milan, 1962. – Vercruysse J., «Candide journaliste, J.H. Maubert de Gouvest gazetier à Bruxelles 1758-1761», Cahiers bruxellois, t. XIX, 1974, p. 46-83.

Historique Maubert de Gouvest a introduit sa requête en publication du Mercure historique et politique des Pays-Bas vers la fin d'avril 1759 auprès du Conseil privé. La requête est transmise à cette instance le 6 mai pour consulte; le 12, le Conseil propose un privilège révocatoire plutôt que perpétuel. Mais l'impossibilité juridique d'une formulation l'oblige à revenir sur la question le 17 et un privilège provisoire est accordé au requérant. Accepté par le gouverneur général, l'octroi est expédié le 25 mai. Le tout a donc été mené rondement et la faveur dont Maubert est l'objet n'a pas été étrangère à cette allure (Bruxelles, Archives générales du royaume, Conseil privé, liasse 1065A; registre 83, fº 13-14, 39). Le Mercure suit sans encombre sa route jusqu'à l'été de 1760.

A cette époque, débordé de toutes parts, Maubert de Gouvest marque son accord pour céder l'octroi du Mercure et la direction de l'Imprimerie royale à Henri Constapel. Celui-ci présente le 31 juillet une requête demandant un octroi pour vingt ans. Transmise le 2 août, la requête est examinée le 11 septembre; accordée aux mêmes conditions qu'à Maubert, la demande est cependant ramenée à dix ans. La consulte est envoyée au gouverneur général le 13 septembre et la réponse favorable est enregistrée le 22 (Bruxelles, A.G.R., Conseil privé, liasse 1065A; registre 87, fº 165-166, 180).

Mais l'affaire n'est pas entièrement terminée. Le 13 octobre on demande copie des octrois de Maubert et de Constapel et les derniers détails financiers sont réglés dans la correspondance avec le ministre Cobenzl au cours de décembre 1760 et janvier 1761. Maubert, qui laisse un passif appréciable, est consigné mais un décret d'atermination le met provisoirement à l'abri. Il ne peut quitter Bruxelles qu'après le 7 janvier 1761.

C'est au tour de Constapel de presser le ministre, de solliciter de l'argent qu'il obtient, et les discussions qui portent sur des points de détail s'éternisent: la dernière lettre connue date du 18 mai 1767! Du Mercure il n'est plus question: avec le départ de Maubert il a cessé de paraître et l'on se rappellera que ce n'est que le 31 août 1761 que Constapel annonce la relance du périodique. Constapel s'est d'ailleurs retourné contre Maubert, le fait emprisonner à Amsterdam et l'ancien fondateur se verra finalement débouté en 1766-1767 dans ses suppliques. Il mourra à Altona en novembre 1767. Le Mercure a sombré six ans plus tôt. Le plan de redressement qu'il a lancé dans le nº 17, et relayé par le gazetin, n'a pu entièrement sortir ses effets. Le Conseil privé se méfie de cette affaire où politique, argent et arguments complexes s'embrouillent à plaisir. Le nº 15 fait l'objet d'un examen attentif comme tous les autres périodiques du groupe. Le résultat est mauvais. Le Conseil privé exprime un avis négatif le 14 octobre, commet un censeur officiel, resserre la marge d'action de l'auteur. Si Constapel quitte Bruxelles, conclut le Conseil privé, le Mercure et le gazetin seront supprimés. C'est ce qui se produira: découragé, écœuré peut-être, Henri Constapel quitte Bruxelles, semble-t-il, vers la fin de l'année 1761, rentrant au pays où le commerce de la librairie et l'air d'une certaine liberté lui vaudront une existence plus agréable. Le Mercure historique et politique des Pays-Bas disparaît sans gloire au cours de l'automne sans que personne, finalement, ait songé à entreprendre quoi que ce soit pour le sauver (Bruxelles, A.G.R., Conseil privé, liasse 1065A; registres 88, fº 115, 120, 123, 136 et 91, fº 119-121; Secrétairie d'Etat et Guerre, 1098, fº 359-360).

Jeroom VERCRUYSSE

 


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